12 000 tomates récoltées à partir d’une seule graine
A l’automne 2020, le centre agricole municipal de la ville de Tôkai 東海市, dans la préfecture d’Aichi 愛知県, s’est lancé le défi de récolter 10 000 tomates à partir d’une seule graine en culture hydroponique.
La culture hydroponique est une culture hors sol sous serre où la terre est remplacée par un substrat stérile doté des nutriments nécessaires à la réalisation d’une bonne culture, l’eau étant indispensable à l’obtention d’une bonne récolte.
Les graines utilisées par le centre agricole municipal de la ville de Tôkai sont issues de tomates à forte teneur en lycopène, de taille moyenne, identiques à celles vendues dans le commerce.
La première expérience réalisée en 2020 a vu la récolte, à partir d’une seule graine, de 3 000 tomates en 2021 puis 6 000 en 2022 pour la seconde expérience.
Pour cette troisième saison, deux graines reçues en septembre 2022 ont été plantées. Seule une souche a pu être cultivée et s’est bien développée dans la serre.
Afin d’améliorer les précédents résultats, des technologies de contrôle de l’environnement ont été introduites (équipements hydroponiques et générateurs de dioxyde de carbone), la fréquence de désinfection a été doublée pour passer à deux fois par mois, des filets d’ombrage ont été mis en place et le degré d’humidité a été légèrement augmenté
Progression du pied de tomates à partir de la graine qui a été conservée :
Les premières fleurs sont apparues en octobre 2022 et les premières tomates en décembre 2022.
Ci-contre à gauche, l’état du pied de tomates au 16 mai 2023.
Le 1er juin 2023, 12 000 tomates ont pu être récoltées à partir d’une seule graine plantée le 02 septembre 2022.
Masaru NAKAJIMA 中島克, directeur du centre agricole municipal de Tôkai, a déclaré :
« La circonférence du pied de tomates est de 15 centimètres. L’étagère de culture mesure 2,3 mètres de haut, 7 mètres de large et 10 mètres de long.
Le pied pousse haut et d’innombrables fruits rouges y sont suspendus.
Nous ne pourrons pas augmenter le nombre de tomates récoltées la saison prochaine en raison de la taille de la serre, mais j’aimerais encore améliorer la qualité. »
Nous pourrions ajouter que récolter ainsi 12 000 tomates à partir d’une seule graine pourrait permettre à chaque graine de nourrir des centaines de personnes.
Cultures sur membranes polymères nanoporeuses
Le docteur Yûichi MORI 森有一, de l’Université de Waseda 早稲田大学 à Tôkyô 東京, chercheur en physique des polymères, possède plus d’une vingtaine d’années d’expérience dans le développement de membranes polymères utilisées dans le domaine médical pour la purification du sang et l’enrichissement en oxygène.
Ses travaux sur les cathéters, les vaisseaux sanguins artificiels et les membranes destinées à la dialyse l’ont conduit à envisager une utilisation de ces technologies dans le domaine agricole, dans l’espoir de résoudre les problèmes liés au réchauffement climatique planétaire qui émergeaient à l’époque.
Convaincu que les plantes détenaient la clé à la résolution de ces problèmes, il s’est mis en quête de méthodes économes en ressources et en énergie permettant d’obtenir des produits agricoles de haute qualité, grâce à la technologie des membranes et des hydrogels développée dans le domaine médical.
Après plusieurs années de tâtonnements, le docteur MORI et ses collègues ont réussi à créer un procédé de culture sur film, baptisé Imec®, une technologie révolutionnaire permettant de faire pousser des plantes sur n’importe quel sol, aussi bien le sable du désert que le béton, en utilisant des membranes imperméables pour séparer les plantes du sol. Le film est réalisé à base d’hydrogel, un polymère hydrophile en gel (utilisé notamment dans la fabrication des couches jetables pour bébé) qui absorbe les liquides et les empêche de fuir.
Le film présente des pores de quelques nanomètres de diamètre (millionièmes de millimètre) qui permettent d’absorber l’eau et les éléments nutritifs mais interdisent le passage des germes et des virus, diminuant ainsi les risques de maladie et minimisant l’emploi de pesticides. Par ailleurs, en retenant l’eau, le film contraint les plantes à travailler davantage pour s’hydrater, en augmentant la pression osmotique. Pour prendre plus efficacement les nutriments, les plantes fabriquent un grand nombre de racines capillaires, générant de plus grandes quantités d’acides aminés et de sucre et améliorant ainsi leur goût et leur valeur nutritive.
Ce procédé réduit la consommation d’eau à moins d’un quart de la quantité nécessaire en agriculture hydroponique et un dixième de celle requise pour l’agriculture conventionnelle. La teneur en sucre des tomates, par exemple, est près du double de celles des tomates hydroponiques. Cette technique permet en outre de vérifier à tout moment la densité et la couleur des racines, facilitant le diagnostic de tout éventuel problème dans les cultures.
La technologie Imec® est commercialisée par l’entreprise Mebiol Inc, fondée par le docteur Yûichi MORI de l’Université de Waseda et basée dans la préfecture de Kanagawa 神奈川県, au Japon.
Le docteur Yûichi MORI souligne que cette technologie présente l’avantage de ne nécessiter qu’un faible investissement au départ et d’être accessible même aux néophytes en agriculture. Elle est déjà bien répandue au Japon où 60 % des exploitations créées l’ont été par des personnes sans expérience dans le domaine agricole, certaines gérées uniquement par des femmes, d’autres uniquement par des personnes du troisième âge.
Il ajoute que ce procédé est d’ores et déjà utilisé pour cultiver des tomates à Shangaï, Singapour et Dubaï et peut être développé aussi bien dans le désert que sur un sol pollué.
Pour le docteur Yûichi MORI, la technologie Imec® pourrait aider à résoudre certains des problèmes les plus graves au monde, comme la sécurité alimentaire, les pénuries d’eau et la contamination des sols.
Sources, photos :
yomiuri.co.jp ; city.tokai.aichi.jp ;
mebiol.co.jp ; unido.or.jp ; japan.go.jp ; jstories.media ; web-japan.org