De Paris 1867 à l’Expo 2025 Ôsaka Kansai : entre tradition et vision du futur
À travers les siècles, les expositions universelles ont été les miroirs des rêves, des avancées et des ambitions des nations. Elles ont offert des scènes uniques où les cultures se rencontrent, où les savoir-faire se révèlent, et où les visions du monde se confrontent et s’unissent.
C’est dans ce contexte d’échanges internationaux et d’ouverture progressive des nations que le Japon, longtemps replié sur lui-même, s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, sous le régime du shogunat Tokugawa 徳川幕府, à la fin de l’époque Edo 江戸時代 (1603-1868).
Aux sources d’un dialogue culturel entre la France et le Japon
Après plus de deux siècles d’isolement, entre 1639 et 1853(1), le Japon amorce son ouverture au monde au milieu du XIXe siècle avec la signature, en 1858, des cinq traités dits « Ansei » (ou Traité Ansei des cinq puissances : 安政五カ国条約) entre le Japon et successivement les États-Unis, les Pays-Bas, la Russie, le Royaume-Uni et la France.
(1) Pendant cette période (1639-1853), seuls les Pays-Bas maintenaient avec le Japon, par l’îlot artificiel Dejima (出島) dans le port de Nagasaki (Kyûshu), des relations commerciales que l’archipel avait initiées en 1636 avec le Portugal.
Le Traité d’amitié et de commerce entre la France et le Japon (日仏修好通商条約), signé le 09 octobre 1858 à Edo 江戸 (actuelle Tokyo 東京), officialise l’ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays.
Neuf ans plus tard, l’Exposition universelle de 1867 à Paris marque la première participation du Japon à une grande exposition internationale en dehors de ses frontières. A la demande de l’empereur Napoléon III, qui souhaitait la présence du souverain japonais à l’évènement ainsi qu’une présentation d’objets du Japon, le shogunat Tokugawa 徳川幕府 dépêche une délégation menée par Tokugawa Akitake 昭武, le frère cadet du shogun Yoshinobu 慶喜. Il est accompagné notamment de Shibusawa Eiichi 渋沢 栄一, alors greffier comptable, qui fut plus tard l’un des pères fondateurs du capitalisme japonais et co-fondateur de la Maison franco-japonaise de Tokyo en 1924, avec l’ambassadeur de France au Japon, Paul Claudel.

Cette participation du Japon à l’Exposition universelle de Paris marque un tournant : le public européen découvre avec fascination une culture jusque-là largement méconnue. Dès les années 1870, le terme « Japonisme » apparaît pour désigner cet engouement inédit pour l’esthétique, les objets et les savoir-faire artistiques japonais, un phénomène qui influencera durablement l’art et la mode en Occident.
De la porcelaine aux estampes en passant par les laques ou les armures, les japonais impressionnent par la qualité de leur réalisations. Le critique d’art Ernest Chesneau (1833-1890) salue un « peuple artiste », et met en avant « l’invention, l’imagination et le goût de la perfection » qui les animent.
Lors de la grande vente qui suit l’exposition, plus de 1 300 objets exposés sont acquis par des collectionneurs, au grand regret de la Revue internationale de l’art et de la curiosité, du 15/01/1869, qui aurait préféré que ces trésors soient intégrés aux collections nationales, estimant que certaines pièces méritaient une place au Louvre.
Ôsaka, carrefour des cultures et de l’innovation
En 1970, 103 ans après la participation du Japon à l’Exposition universelle de Paris, la ville d’Ôsaka 大阪 devient la première ville d’Asie à accueillir une exposition Universelle. Un nombre record de 64 millions de visiteurs fera d’« Expo 1970 Ôsaka » l’exposition la plus fréquentée du XXe siècle.
Après la ville d’AICHI 愛知 en 2005, le Japon est désigné pour la troisième fois par les États Membres du Bureau International des Expositions pour organiser l’édition 2025 et c’est de nouveau Ôsaka qui en sera l’hôte, du 13 avril au 13 octobre.
Ôsaka est une ville dynamique réputée pour sa gastronomie et son atmosphère décontractée. En 2025, elle se distingue comme l’une des villes les plus étoilées au monde selon le Guide Michelin, derrière Tokyo, Paris et Kyoto, avec plus de 200 restaurants sélectionnés par le Guide dont 59 Bib Gourmands, 65 restaurants 1 Étoile, 11 restaurants 2 Étoiles et 3 restaurants 3 Étoiles, confirmant sa réputation de capitale culinaire.
Surnommée « la cuisine du Japon » (Tenka no daidokoro 天下の台所), c’est aussi une ville réputée pour sa « street food » et ses spécialités locales emblématiques, notamment ses takoyaki たこ焼き (boulettes de poulpe), okonomiyaki お好み焼き (sorte de crêpe salée garnie) ou kushikatsu 串カツ (brochettes panées frites).
Historiquement, Ôsaka a toujours été un grand centre économique et marchand, connu pour son sens des affaires et sa culture du commerce avec des quartiers animés comme Dôtonbori 道頓堀, Shinsaibashi 心斎橋 ou Nihonbashi 日本橋. Elle est considérée comme étant plus spontanée, moins rigide et plus vivante que la capitale Tokyo. Son dialecte local, le « kansaiben » 関西弁, est chantant et expressif, à l’image de l’accent du sud de la France.
Expo 2025 : Imaginer notre vie de demain
C’est l’île artificielle de Yumeshima 夢洲 (l’île du rêve), dans la baie d’Ôsaka, qui accueillera pendant 184 jours, sur une superficie de 155 hectares, les quelques 28,2 millions de visiteurs attendus, issus de plus de 160 pays, invités pour l’occasion à imaginer ensemble la société de demain.
Le thème retenu « Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain » met l’accent sur la préservation de la vie sous toutes ses formes, en gardant à l’esprit que toute matière, humaine, animale, végétale ou minérale est porteuse de vie. Il s’articule en 3 sous-thèmes :
- sauver des vies en protégeant la santé et en luttant contre les catastrophes naturelles ;
- inspirer des vies en repensant l’éducation et l’emploi à l’heure de l’intelligence artificielle et de la robotique ;
- connecter des vies en renforçant la compréhension entre les cultures grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC).
Un symbole architectural universel
Parmi les réalisations phares de l’exposition, figure le « Ring Skywalk », une structure circulaire en bois monumentale, de 2 000 m de circonférence, culminant entre 12 et 20 mètres de hauteur sur une surface de 60 000 m². Entièrement végétalisé, ce pont-promenade entourant les principaux pavillons a été conçu comme emblème architecturale de l’Exposition. Sa construction, inspirée des techniques traditionnelles japonaises d’assemblage de piliers en bois, utilisées notamment pour les temples et les sanctuaires, a mobilisé 27 000 m³ de bois.
L’anneau, WA 輪 en japonais, n’est pas seulement une forme architecturale. Il incarne également l’harmonie (WA 和) et fait écho à Yamato 大和, ancienne appellation du Japon, symbolisant la terre de grande harmonie.
Achevé le 28 février 2025, le grand anneau a été reconnu par le Guinness World Record, le 04 mars 2025, comme la plus grande structure en bois au monde.
Pour son concepteur, Fujimoto Sô 藤本壮介, le Ring Skywalk exprime l’union des nations interconnectées par la symbolique de l’anneau, dans la vision collective d’un avenir commun.
La Cité de l’eau et sa mystérieuse mascotte
Ôsaka est aussi appelée la Cité de l’eau en raison de sa situation géographique et de l’importance historique des cours d’eau qui la traversent. Aménagés en canaux dès la période Azuchi Momoyama 安土桃山時代 (1573-1603) pour la défense et le transport, ils ont été élargis et multipliés à l’époque Edo 江戸時代 (1603-1868) pour faciliter le commerce et la communication.
C’est sur ces voies navigables que se déroule chaque soir un spectacle aquatique nocturne son et lumière inédit « ÔSAKA River Fantasy » qui se poursuivra jusqu’en février 2026.

Autre attraction majeure, la mascotte officielle de l’Exposition, baptisée Myaku-Myaku ミャクミャク, une mystérieuse créature née de la fusion de cellules qui se multiplient (symbole de vie, représentées en rouge) et d’eau (symbolisant la vie en perpétuelle évolution, représentée en bleu).
Changeant librement de forme, son nom est dérivé d’une onomatopée japonaise évoquant la pulsation ou le battement, en référence à la transmission continue des savoirs, de l’histoire et des cultures, par la transmission de la vie et de la sagesse aux générations futures.
Une météorite martienne en vedette, 火星の石

Parmi les expositions annoncées, le Pavillon du Japon présentera pour la première fois au public une météorite martienne, découverte en 2000 lors d’une expédition japonaise en Antarctique. Des analyses ultérieures ont révélé qu’il s’agissait d’une météorite venue de Mars ayant atteint la Terre il y a des dizaines de milliers d’années. De la taille d’un ballon de rugby et pesant 13 kilogrammes, elle est l’une des plus grandes au monde, dans sa catégorie.
Ôsaka Kansai 2025, une rencontre entre tradition, innovation et vision d’avenir
À travers Expo 2025, Ôsaka s’affirme une nouvelle fois comme un carrefour mondial où se croisent cultures, technologies et réflexions sur le futur. À travers ce grand rendez-vous international, la ville met en lumière son identité unique, entre héritage historique et innovation. Une invitation à imaginer ensemble la société de demain.
Sources :
BNF GALLICA, Revue internationale de l’art et de la curiosité / publiée sous la direction de Ernest Feydeau
NHK, Une météorite martienne, découverte en 2000 lors d’une expédition japonaise en Antarctique
TOKI, L’esthétique japonaise au cœur de « Japonismes 2018 »
TOKI, 2018 : l’année du Japonisme en France
TOKI, Japonismes 2018, ouverture officielle
TOKI, Kigumi 木組み, l’art ancestral de l’assemblage du bois au Japon
TOKI, Les châteaux des samouraïs