LE PRIX NOBEL DE LA PAIX 2024 à NIHON HIDANKYÔ
Le 10 décembre 2017, Setsuko THURLOW, 85 ans à l’époque, hibakusha rescapée du bombardement nucléaire de Hiroshima, recevait à Oslo en Norvège le prix Nobel de la paix attribué alors à ICAN*, coalition internationale regroupant près de 500 ONG dans plus d’une centaine de pays, dont l’objectif consiste en l’aboutissement d’un traité abolissant les armes nucléaires.
Nous vivons dans un monde où le risque que les armes nucléaires soient utilisées est plus élevé qu’il ne l’a été depuis longtemps, avait déclaré la présidente du comité Nobel norvégien de l’époque, Berit Reiss-Andersen.
Sept ans plus tard, dans une situation internationale plus critique que jamais, un autre hibakusha, Terumi TANAKA 田中熙巳 92 ans, recevait, le 10 décembre 2024 à Oslo, le prix Nobel de la paix décerné à la confédération japonaise Nihon Hidankyô 日本被団協.
Nihon Hidankyô reçoit le prix de la paix pour ses actions en faveur d’un monde exempt d’armes nucléaires et pour avoir démontré, au moyen de témoignages, que les armes nucléaires ne devaient plus jamais être utilisées. » a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Jørgen Watne Frydnes, lors de la cérémonie de remise des prix du 10 décembre 2024 à Oslo.
Environ 650 000 personnes sont estimées avoir survécu aux bombardements atomiques d’août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. Ces survivants sont connus sous le nom de HIBAKUSHA 被爆者 en japonais.
Nihon Hidankyô, dont l’appellation officielle est la Confédération japonaise des organisations de victimes des bombes A et H (Nihon gensuibaku higaisha dantai kyôgi-kai 日本原水爆被害者団体協議会), a été créée en 1956 et regroupe des hibakusha dans toutes les préfectures du Japon.
Son but est de promouvoir les droits sociaux et économiques de tous les hibakusha, y compris ceux vivant en dehors du Japon, et de veiller à ce qu’il n’y ait plus jamais de hibakusha, selon la devise « No more hibakusha ».
Terumi TANAKA, l’un des trois coprésidents de Nihon Hidankyô, a vécu le bombardement atomique de Nagasaki. Il prend la parole pour la conférence du prix Nobel lors de la remise des prix à Oslo, le 10 décembre 2024.
Nous avons lancé ce mouvement pour que de telles souffrances ne se répètent jamais, avec deux exigences fondamentales. La première est que l’État qui a commencé et mené la guerre devrait indemniser les victimes pour les dommages causés par les bombes atomiques. La seconde est d’exiger l’abolition immédiate des armes nucléaires, en tant qu’armes extrêmement inhumaines de tuerie de masse, qui ne doivent pas coexister avec l’humanité.
Fin 1945, le nombre de morts dans les deux villes aurait été d’environ 140 000 à Hiroshima et 70 000 à Nagasaki.
Les survivants, les hibakusha, ont été contraints au silence par les forces d’occupation pendant sept ans. Abandonnés par le gouvernement japonais ils ont passé plus d’une décennie dans l’isolement, souffrant de maladies et de difficultés dans leur vie, tout en subissant préjugés et discrimination.
Dans notre déclaration fondatrice, Nihon Hidankyô a exprimé notre détermination à “sauver l’humanité à travers les leçons tirées de nos expériences, tout en nous sauvant.” Nous avons lancé un mouvement exigeant à la fois “l’abolition des armes nucléaires et une indemnisation de l’État pour les dommages causés par la bombe atomique.”
Plusieurs lois ont ainsi été successivement promulguées pour soutenir les hibakusha, notamment sur le plan de la santé, avec une prise en charge médicale gratuite dans des centres spécialisés, assortie de mesures spécifiques pour ceux atteints de maladie graves ou handicap physique dus aux bombardements atomiques.
Notre mouvement a sans cesse continué d’appeler à l’élimination immédiate des armes nucléaires, exhortant notre propre gouvernement, les États dotés d’armes nucléaires et tous les autres États à prendre des mesures.
Notre mouvement a sans aucun doute joué un rôle majeur dans la création du tabou nucléaire.
Cependant, il reste encore 12 000 ogives nucléaires dans le monde aujourd’hui, dont 4 000 sont déployées sur le plan opérationnel, prêtes pour un lancement immédiat.
Soixante-dix-neuf ans après les bombardements qui ont coûté la vie à environ 210 000 personnes à Hiroshima et à Nagasaki, la remise du prix Nobel de la paix 2024 à l ‘organisation Nihon Hidankyô constitue, pour les survivants hibakusha, une occasion exceptionnelle de rappeler au monde les dangers de l’arme nucléaire. Malgré le prestigieux prix qu’il recevait, Terumi TANAKA ne pouvait cacher son désespoir face aux conflits en Ukraine et au Moyen-Orient et aux difficultés croissantes rencontrées par la confédération.
Par ses témoignages, Nihon Hidankyô continue à œuvrer ardemment à l’éradication des armes nucléaires dans le monde, mais l’âge moyen des victimes membres de la confédération s’établissant de nos jours à 85 ans, leur disparition dans les années à venir augure de difficultés croissantes pour la transmission de la mémoire dans le combat contre l’apocalypse nucléaire.
« Le prix Nobel de la paix décerné cette année éclaire la voie à suivre en nous rappelant le passé et les conséquences de la méconnaissance des dangers de l’utilisation des armes nucléaires », a déclaré le Directeur général de l’AIEA**, Rafael Mariano Grossi, dans le discours d’ouverture qu’il a prononcé au Forum du prix Nobel de la paix 2024 à Oslo, au lendemain de la remise des prix.
Le prix Nobel de la paix décerné en 2024 à la confédération japonaise Nihon Hidankyô revêt également une dimension particulièrement symbolique, avec la commémoration à venir en cette année 2025 du 80e anniversaire des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki par les États-Unis.
* Campagne Internationale pour l’Abolition des Armes Nucléaires
** Agence internationale de l’énergie atomique
Sources : nobelprize.org
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