Avant d’être le « pays du soleil levant », le Japon était connu comme étant le « pays de l’or ».
L’histoire de l’archipel est étroitement liée à l’or. Ses offrandes en métal précieux et les nombreux propos rapportés au sujet de ses temples couverts d’or sont d’abord portés à la connaissance de l’Occident au XIIIe siècle, lorsque le marchand vénitien Marco Polo vantait la richesse de « Cipango » en le décrivant comme « le pays de l’or », dans son « Livre des Merveilles » (Tôhôkenbunroku 東方見聞錄 , en japonais).
La première production d’or au Japon date de l’an 749 dans la région de Tohoku 東北地方, district de Oda 小田郡 province de Mutsu 陸奥国 aussi appelée Ôshû (奥州 (aujourd’hui bourg de Wakuya 涌谷町, district de Tôda 遠田郡 dans la préfecture de Miyagi 宮城県). Par la suite, l’or est découvert dans tout le pays et le Japon devient l’un des plus grands producteurs d’or dans le monde.
L’origine de cette abondance en or réside dans l’emplacement de l’archipel à l’ouest de la ceinture de feu du Pacifique, l’un des endroits sujet à la plus intense activité tectonique de la terre. Avec 111 volcans potentiellement actifs, le Japon abrite environ 10 % des volcans actifs de la planète.
La majeure partie de la minéralisation aurifère du pays s’est formée dans des dépôts épithermaux, à proximité de sources chaudes associées à une activité volcanique ou tectonique.
L’île de Sadogashima 佐渡島, située à une quarantaine de kms des cotes de la préfecture de Niigata 新潟県, au nord de l’île principale de Honshû 本州, est la plus grande île de la mer du Japon 日本海. Elle est issue d’une série de mouvements tectoniques qui se sont succédé sur plus de dix millions d’années.
Les gisements d’or et d’argent s’y sont formés par la montée d’eau hydrothermale à la surface de la terre et la formation de veines dans la roche.
L’extraction de l’or au Japon remonte au VIIIe siècle et, au milieu du XVIIe siècle, le pays assure 20 % de la production mondiale du précieux métal, dont la moitié est extraite de l’île de Sadogashima, longtemps au cœur de la production d’or de l’archipel.
L’île de Sado présente deux zones minières distinctes, aux caractéristiques et techniques d’exploitation différentes :
– les gisements placériens de la zone de Nishimikawa 西三川砂金山, une mine d’or alluviale avec de l’or sablonneux dans les couches de sédiments.
Selon le Konjaku monogatari-shû 今昔物語集 こんじゃくものがたり, un recueil d’anecdotes de la dernière partie de l’ère Heian (794-1195), la mine de Nishimikawa, apparue à l’ère Heian, est considérée comme la plus ancienne mine d’or placérien de l’île de Sado.
A Nishimikawa, les flancs de montagne contenant l’or alluvial étaient grattés et l’or extrait selon la méthode dite « ônagashi 大流し (おおながし) », « grand écoulement » ou « écoulement à grande eau » par laquelle l’excès de pierres et de poussière était emporté par de grandes quantités d’eau libérées de réservoirs artificiels créés en amont, l’or alluvial restant étant recueilli au fond du cours d’eau par gravité, à l’aide de panoramiques. Cette méthode nécessitait la construction de nombreux canaux pour le déversement de l’eau nécessaire à l’extraction et certains de ces canaux pouvaient dépasser 9 km de long.
– les gisements d’or et d’argent d’Aikawa 相川金銀山 et Tsurushi 鶴子銀山, abritant des dépôts filoniens où l’or se trouve dans les veines qui pénètrent au travers des roches.
40 tonnes d’or en auraient été extraits pendant la période Edo, du début du 17è au milieu du 19è siècle. NISHIYAMA HOICHI
La mine de Tsurushi aurait été découverte en 1542 et est considérée comme la plus grande mine d’argent de l’île. Son exploitation commence au milieu du XVIe siècle par une exploitation de surface où les minerais sont extraits à même le sol, puis par le creusement d’un tunnel qui a permis l’exploitation simultanée de plusieurs veines et le drainage des tunnels.
La mine de Tsurushi aurait également conduit à la découverte de la mine d’or et d’argent d’Aikawa, où des techniques plus avancées sont développées avec le creusement de tunnels de drainage et de ventilation distincts du tunnel principal.
La mine d’Aikawa, dont le développement commence en 1601, représente la plus grande mine d’or et d’argent du Japon. Environ 40 tonnes d’or et 1 800 tonnes d’argent y sont extraites pendant la période Edo 江戸時代 (1603–1868).
En 1603, Tokugawa Ieyasu 徳川 家康 (1543–1616) établit le Shogunat Tokugawa 徳川幕府. Il place l’île de Sado sous son administration directe et initie la production de pièces d’or appelées koban 小判 pour soutenir les finances du shogunat et pour son utilisation dans le commerce à l’étranger.
Il lance le développement à grande échelle de la mine Aikawa. Avec des techniciens experts en exploitation minière recrutées dans tout le pays, des méthodes d’extraction artisanales avancées restées non mécanisées et un développement révolutionnaire de techniques traditionnelles de production, l’or récolté sur l’île atteint un niveau de pureté de 99,54 %, supérieur à celui issu des mines d’or d’Europe occidentale de l’époque, où la production est mécanisée avec utilisation de produits chimiques.
Le patrimoine des mines d’or de l’île de Sado est considéré comme étant sans équivalent dans le reste du monde et l’île de Sado devient la plus grande mine d’or du monde. La longueur totale des tunnels creusés atteint les 400 kilomètres, soit la distance entre Sado et Tokyo 東京.
A son apogée, elle fournit 400 kilogrammes d’or par an.
Au total, 78 tonnes d’or et 2 300 tonnes d’argent ont rempli les coffres du gouvernement pendant les 373 années de son exploitation entre 1601 et 1974.
Fermée en 1989, la mine est préservée comme exemple de patrimoine industriel et devient une attraction touristique unique.
En reconnaissance du statut unique de son système de production allant de l’extraction des métaux à leur raffinement uniquement par des méthodes traditionnelles non mécanisées, reconnues comme possédant une valeur extraordinaire en tant que patrimoine culturel exceptionnel, les mines d’or de l’île de Sado deviennent, le 27 juillet 2024, le 26ème site du Japon inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
De nos jours, l’île de Sado est également reconnue pour être le sanctuaire de l’Ibis japonais, le Toki, de retour sur ses terres ancestrales après une totale extinction de l’archipel, à la suite d’un programme de réintroduction remarquable, conjugué à un engagement des exploitants agricoles de l’île à préserver l’environnement et la biodiversité.
La création du label « vivre avec le toki » 朱鷺と暮らす郷 « toki to kurasu sato », garant d’une agriculture respectueuse de la biodiversité, aboutit en 2011 à la reconnaissance de l’île de Sado comme « système ingénieux du patrimoine agricole mondial » (SIPAM) 世界農業遺産 (せかいじゅうようのうぎょういさんシステム) de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA ou FAO).
Sources : investingnews.com, gov-online.go.jp, sado-goldmine.jp, sado-kinzan, japan.go.jp/kizuna