Gratitude et respect envers la nature sont le fondement de la culture alimentaire du Japon.
Ces deux principes ont façonné les us et coutumes développés par les ancêtres pour une alimentation saine et équilibrée, dans le respect de l’environnement. Avec la recherche d’une technique de cuisson la plus adaptée aux aliments et la création d’ustensiles qui sauront le mieux mettre en exergue le goût des ingrédients, ils constituent la base des règles de l’alimentation japonaise.
La notion de « Wa » 和
Le terme « washoku » désigne le repas japonais et la cuisine japonaise. Il se compose de deux caractères kanji : « Wa 和 », signifiant harmonie mais englobant également le sens de Japon ou japonais et « shoku 食 » pour le repas.
L’harmonie « Wa 和 » est un principe fondamental de la culture japonaise tel que défini par le prince Shôtoku Taishi 聖徳太子 (574-622) :
« L’harmonie est le bien le plus précieux »「和をもって尊しとなす」: c’est la véritable harmonie.
Ce principe s’ancrera dans la société japonaise en 604 après J.C., avec l’écriture en 17 articles de la première constitution du Japon, « Jûshichi Jô Kempô 十七条憲法 » dont la phrase d’ouverture définit ainsi la notion de Wa : « Wa, valeur éminemment respectable, repose sur un principe qui est d’éviter toute discorde ».
A la fin du troisième siècle, le mot Yamato 大和, grande harmonie, désigne la province de l’ancienne capitale Asuka 明日香, située au centre de la préfecture de Nara : c’est la province de Yamato, considérée comme le berceau historique du Japon.
Selon l’histoire et la mythologie japonaise, 日本神話 Nihon shinwa, c’est à cet endroit que le premier empereur du Soleil Levant, JINMU 神武天皇 (660 av. J.-C. – 585 av. J.-C.), a créé le Japon, il y a aujourd’hui 2 681 ans, Kôki 皇紀 2 682.
Vers le sixième siècle, l’appellation de Yamato 大和 va s’étendre à l’ensemble du territoire. Yamato désigne alors le Japon. Le caractère Wa 和, à lui seul, va intégrer le sens de Japon ou japonais et se rapporter à tout ce qui a pour source le Japon, tout en conservant son sens d’origine :
Wa 和 = harmonie = Japon et devient un élément de la culture traditionnelle et spirituelle du Japon.
Ainsi, le terme washoku 和食 désignera la cuisine et le repas traditionnel du Japon, tout comme wafuku 和服, désignera les kimonos traditionnels japonais ou waka 和歌 la poésie traditionnelle japonaise…
Washoku, patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO
Depuis 2013, la tradition culinaire japonaise du washoku est reconnue comme patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
L’UNESCO définit le washoku comme une « pratique sociale basée sur un ensemble de compétences, de connaissances, de pratiques et de traditions liées à la production, la transformation, la préparation et la consommation d’aliments » et l’associe à « un principe fondamental de respect de la nature étroitement lié à l’utilisation durable des ressources naturelles ».
Les traditions culinaires du washoku privilégient l’utilisation d’ingrédients naturels, majoritairement locaux, comme le riz, le poisson ou la viande, les légumes ou autres plantes, et déterminent les ingrédients et les accessoires de table en fonction de chaque saison.
En communion avec la nature et les saisons
Le washoku est donc étroitement lié à la géographie, au climat, à l’histoire, aux mœurs et aux traditions du Japon.
Les vertus et le goût des ingrédients y sont préservés par des techniques de cuisson et de préparation spécifiques aux aliments sélectionnés, l’utilisation d’ustensiles et de services de table adaptés et parfois développés localement : bols et baguettes en bois ou bambou, vaisselle en porcelaine…
La totalité du repas est présentée sur la table pour être visualisée d’un seul regard par chaque convive : le repas commence par le plaisir des yeux.
D’abord, on mange avec les yeux « me de taberu 目で 食べる », pour développer la culture du repas japonais (shoku bunka 食 文化) à travers la culture des baguettes (hashi bunka 箸 文化).
Dans les compositions culinaires se reflète l’expression de la beauté de la nature environnante et des quatre saisons.
Un minimum d’assaisonnement est associé aux ingrédients, avec le miso 味噌, pâte fermentée à base de soja, le sel, la sauce de soja, et l’umami* うま味 afin de produire des goûts délicats et uniques, issus de traditions et savoir-faire ancestraux.
* Umami : cinquième saveur de base avec le sucré, le salé, l’acide et l’amer
Umami a été scientifiquement identifié pour la première fois en 1907 par un scientifique japonais, le docteur Kikunae IKEDA 池田 菊苗. En dégustant un bol de bouillon de varech appelé kombu dashi 昆布出汁, il a remarqué que la saveur dégagée était distincte des quatre goûts de base. Il a nommé ce goût supplémentaire «umami», littéralement « bon goût » ou « essence de délice » en japonais avant de découvrir que le goût de l’umami était principalement attribué au glutamate, un acide aminé qui est l’un des éléments constitutifs des protéines. Le glutamate est naturellement présent dans le corps humain et dans de nombreux aliments que nous mangeons tous les jours.
Ichijûsansai 一汁三菜
Parmi les traditions du washoku, ichijûsansai 一汁三菜, « un bol de soupe et trois plats », constitue le menu de base du repas traditionnel japonais, avec principalement du poisson et des légumes qui s’ajoutent au bol de riz et aux condiments, la soupe étant le plus souvent à base de miso. Avec un bon usage de l’umami et du dashi 出汁 (bouillon de soupe) associé au katsuobushi 鰹節 (flocons de bonité séchée), ichijûsansai permet d’avoir une alimentation équilibrée, pauvre en graisse, et contribue à la longévité en prévenant l’obésité.
Gratitude, harmonie, plaisir
Traditionnellement, les repas sont pris à même le sol, sur des tatamis, autour d’une table basse où les convives sont réunis, assis en seiza 正座, position agenouillée formelle dite « assise correcte » où les jambes sont pliées, les cuisses reposant sur les mollets et les fesses sur les talons, le dessus des pieds à plat sur le sol.
Chaque repas commence par la formule de respect « itadakimasu » いただきます, en joignant les mains, comme lors d’une prière, en remerciement aux personnes qui ont préparé les ingrédients et surtout en gratitude à la nature qui les a fournis.
De la même manière, le repas se termine ensuite en joignant de nouveau les mains en prononçant la formule de respect « gochisôsama deshita » ごちそさまでした, toujours en remerciement aux personnes qui ont préparé le repas et la table et surtout pour rendre grâce à la terre et à la mer environnantes.
Lors des fêtes et célébrations annuelles, ces repas représentent une source d’approfondissement des liens familiaux et de la collectivité.
Le plaisir à travers le respect, la gratitude et l’harmonie caractérisent le washoku et, plus profondément, l’âme du Japon.
Sources :
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